Le Rubāb Persan

Image : Représentation de dessin présenté dans le Kanz al-Tuhaf dar musiqi

Le rubāb persan, ou rubāb du Kanz al-Tuhaf dar musiqi

Le Kanz al-Tuhaf dar musiqi est un manuscrit écrit par Hasan Kāshāni entre 1355 et 1363. Il est le premier à présenter et à décrire un rubāb (persan), au côté d’autres instruments de musique. Le manuscrit original à disparu peu après 1665, mais pas moins de cinq copies nous sont parvenues. Les copies sont constituées de trois sections : la première traite de la théorie de la musique et de l’Islam, la seconde traite des instruments de musique, la dernière section aborde entre autre la philosophie et l’influence de la musique sur les hommes.

Le document sur lequel j’ai réalisé la reconstitution de ce rubāb « persan » s’appuie sur les travaux de l’ethnomusicologue japonais Tsuge Gen’ichi. Ce spécialiste s’est intéressé à la deuxième section, celle traitant des instruments de musique. Il a réalisé une analyse comparative des informations de cette section proposée dans les cinq copies.

Tsuge Gen’ichi, « Musical instruments described in a fourteenth-century Persian treatise Kanz al-Tuhaf dar musiqi » in Galpin Society Journal, n°66, Lance Whitehead, Mars 2013, p. 170.

https://www.academia.edu/23712881/Musical_Instruments_Described_in_a_Fourteenth_Century_Perian_Treatise_Kanz_al_Tuhaf

Image : Représentation de la reconstitution du rubāb persan à partir de la description présentée dans le Kanz al-Tuhaf dar musiqi

Tsuge Gen’ichi rapporte les dimensions du rubāb persan mentionnées dans le Kanz al-Tuhaf dar musiqi : le « robāb [rubāb] a deux cavités (baṭn), de deux profondeurs (‘omq) : la profondeur de la caisse de résonance (kāsa) et celle au début du manche (gardan-e kāsa). La profondeur de chaque cavité est de 7 angošt monżamm [145 mm]. La longueur de la cavité qui fait partie du manche est de 1 bedast et 4 angošt monfaraj [332 mm]. La largeur de chaque cavité est de 1 bedast et 2 angošt monfaraj [290 mm]. La longueur du manche (daste) est de 3 bedast [748 mm] ». C’est à partir de ces données chiffrées qu’il a été possible de reconstituer le rubāb persan. Seule la dimension, mentionnée par la lettre « X » sur le plan, n’est pas mentionnée, cela ne changera que légèrement l’apparence de l’instrument.

Image : Représentation comparative du rubāb persan d’un rubāb (également persan) issu d’une miniature moghole

En comparant le rubāb persan issu du Kanz al-Tuhaf dar musiqi avec un rubāb issu d’une miniature moghole on note de fortes similitudes morphologiques. Les deux instruments on étaient redimensionnés avec pour mesure commune la distance du sillet au bas du résonateur. On remarque que le diamètre de la chambre inférieure des deux instruments sont identique, seule la longueur des « cornes » et la hauteur de la chambre médiane différent. Rappelons que la hauteur de la chambre médiane n’est pas mentionnée dans le manuscrit (elle est représentée par la lettre « X » sur le plan). Ces similitudes sous-entendent que ces deux instruments, séparé de deux siècles, pourraient avoir une une filiation commune. Il est même possible d’avancer que le rubāb présenté dans le Kanz al-Tuhaf dar musiqi serait l’ancêtre des rubāb persans des miniatures mogholes. Malheureusement, il n’y a aucune information concernant l’apparence du dos de l’instrument, aucun rubāb persan ne nous est parvenu et aucun rubāb existant de nos jours ne lui est apparenté.